"Sur les traces de la seconde guerre mondiale, se souvenir et s'engager"
Lycée Condorcet, Saint Priest
"Inconnu à cette adresse"
Mon cher Martin,
Te Voilà de retour en Allemagne comme je t'envie, je n'ai pas revu ce pays depuis mon enfance mais le charme d'Unter den linden
Nom d'une célèbre avenue de Berlin agit encore sur moi tout comme la largeur de vue, lLa liberté intellectuelle, les discussions, la musique, lLa camaraderie enjouée que j'ai connu là-bas et voilà que maintenant on a même fini avec l'esprit au hobereau, l’arrogance prussienne et militarisme.
Max fait ici allusion un jour à l'Empire allemand démantelé à l'issue la Première guerre mondiale, il évoque le mépris que témoignait alors la noblesse prussienne à l'égard du peuple et l'état d'esprit guerrier qui y régnait.
C'est une Allemagne démocratique que tu retrouves, une terre de culture ou une magnifique liberté politique s' est instaurée. Il y fera bon vivre 14 ans déjà que la guerre est finie ! J'espère que tu as entouré en rouge sur le calendrier. C'est fou le chemin que nous avons parcouru depuis le début de toute cette violence ! Mon cher Martin, laisse-moi de nouveau t'étreindre prendre par la pensée.
Ton fidèle Max
30 janvier 1933 Hitler est nommé chancelier par Édimbourg
27 - 28 février incendie du Reichstag
22 mars 1933 ouverture des premiers camps de concentration
25 mars 1933, Cher vieux Max
Tu as certainement entendu parler ce qui se passe ici et je suppose que cela t'intéresse de savoir comment nous vivons les événements de l'intérieur. Franchement, Max, je crois qu'un nombre d'écart Hitler est bon pour l'Allemagne.
Hein??? Mais Je n'en suis pas sûr maintenant c'est lui qui de fait est le chef du gouvernement l'homme électrise littéralement les foules. Il possède une force que seule peut avoir un grand orateur doubler d'un fanatique mais je m'interroge.
Est-il complètement sain Esprit ?
Ses escouades en chemises brunes sont issues de la populace. Elles pillent, et elles ont déjà commencé à persécuter les juifs mais il ne s'agit peut-être là que d'incident mineurs car je te le dis mon ami c'est à l'émergence d'une force vive que nous assistons dans ce pays.
Une force vive
Quelque chose, j'ignore quoi, va se produire ,on a trouvé un guide pourtant, prudent, je me dis tout bas où cela va t'il nous mener
Naturellement je n'exprime pas mes doutes en public puisque je suis désormais un personnage officiel au service du nouveau régime
Ceux d'entre nous qui tiennent à leur peau sont prompt à rejoindre le national socialisme. C'est le nom du parti de Herr Hitler
De grave injustices se commettent encore aujourd'hui mais tout cela est transitoire si la finalité est juste ces incidents passagers seront vite oubliés L'Histoire s'écrira sur une page blanche et propre.
Martin
Le 18 mai 1933, Cher Martin
Je suis bouleversé par l'afflux de reportages sur ta patrie qui nous parviennent. Comme ils sont assez contradictoires, c'est donc tout naturellement vers toi que je me tourne pour y voir plus clair.
Je suis sûr que les choses ne vont pas aussi mal qu'on veut bien le dire. Notre presse s'accorde à parler d'un "terrible pogrom ».
Qu'en est-il. Je sais que ton esprit libéral et ton cœur chaleureux ne pourraient tolérer la brutalité, et que tu me diras la vérité.
Mais je trouve presque incroyable qu'on puisse, aujourd'hui, au sein d'une nation civilisée, faire revivre à nos frères le martyr ancestral. Ecris moi, mon ami, pour me rassurer sur ce point.
La pièce dans laquelle joue Griselle fait un triomphe et se donnera jusqu'à la fin du mois de juin.
Elle m'écrit qu'on lui a proposé un autre rôle à Vienne, et un autre encore, superbe, à Berlin pour cet automne.
Si les sentiments antisémites évoqués plus haut sont une réalité, elle ne doit à aucun prix s'aventurer en Allemagne en ce moment.
Pardonne-moi, mon ami, pour la brièveté de ma lettre et l'absence de liberté d'esprit dont elle témoigne, mais je n'aurais pas de repos tant que tant que tu ne m'auras pas rassuré.
Je sais que tu m'écriras en toute honnêteté.
Je t'en prie, fais-le vite. C'est haut et fort que je programme ma foi en toi et mon amitié pour toi et les tiens
Ton fidèle, Max
Le 9 juillet 1933, Cher Max
Nous devons à présent cesser de nous écrire.
Il devient impossible pour moi de correspondre avec un juif.
En ce qui concerne les mesures sévères qui t'affichent tellement, je dois dire, au début, elle ne me plaisait pas non plus mais j'en suis arrivé à admettre leur douloureuse nécessité.
La race juive est une plaie ouverte pour toute nation qui lui a donné refuge.
Je n'ai jamais haï les juifs en tant qu'individu toi, par exemple, je t'ai toujours considéré comme mon ami, mais sache que je parle en toute honnêteté quand j'ajoute que je t'ai sincèrement aimé non à cause de ta race mais malgré elle. Le juif est le bouc émissaire universel. Il doit bien y avoir une raison à cela.
Si seulement je pouvais te montrer non, t’obliger à constater la renaissance de l'Allemagne sous l'égide de son vénéré chef.
Un si grand peuple ne pouvait pas rester éternellement sous le joug du reste du monde mais maintenant nous sommes des hommes libres.
Nous nous redressons, conscient de notre pouvoir.
Nous relevons la tête face aux autres nations.
Nous purgeons notre sang de ces éléments impurs.
Je me dis que tu ne comprendrais pas à quel point que tout cela est nécessaire pour l’Allemagne.
Tu ne t'attacheras, je le sais, qu’aux ennuis de ton propre peuple
Tu refusera de concevoir que quelques-uns doivent souffrir pour que des millions soient sauvés.
Tu seras avant tout un juif qui pleurniche sur son peuple. C'est conforme au caractère sémites. Vous vous lamenter mais vous n'êtes pas assez courageux pour vous battre en retour c'est pourquoi il y a des pogroms. je regrette qu'on doit qu'on doit ainsi mettre fin à notre correspondance, Max.
Cordialement Martin Schulse
Martin monte en grade dans la société nazie et renie son amitié pour Max.
Max écrit à Martin une dernière fois, pour lui demander de veiller sur sa sœur, Griselle.
La dernière lettre de Max adressée à sa sœur lui est retournée avec la mention inconnu à cette adresse
Les SA ont attrapé Griselle et l'ont tuée, Martin a refusé de l’aider.
La réaction de Max est à la hauteur de son désespoir, et sa vengeance est de faire subir le même sort à Martin.
Il lui écrit, sachant que la police nazie surveille le courrier, en lui inventant une famille juive et en faisant croire à la censure qu'il y a un code entre Max et Martin.
Martin répond désespéré, avec les mêmes supplications que lui avait adressées Max pour sauver sa sœur, qu'il ne faut pas lui écrire ainsi, qu'il risque sa vie si on le fait passer pour juif et comploteur.
Mais Max continue inexorablement d'envoyer ses lettres, jusqu'à ce qu'il en reçoive une dernière, avec la même mention, synonyme de capture et de mort :
« Inconnu à cette adresse ».
